
La camerounaise Nadine Flora Alinanyinyi, arrivée au Canada en janvier 2020, a été retrouvée sans vie le jeudi 12 janvier 2023 dans son appartement à Mont-Saint-Hilaire dans la banlieue de Montréal.
La police soupçonne qu’elle aurait été tuée. En attendant les conclusions de l’enquête ouverte à ce sujet, Gazeti237.com vous invite à lire le texte ci-dessous, qui révèle comment la défunte s’est installée au Canada.
« DE YAOUNDÉ AU GROUPE MAURICE !
La pénurie de main-d’œuvre qui sévit présentement au Québec a amené Le Groupe Maurice à redoubler d’efforts et d’originalité afin d’y trouver des solutions. L’entreprise a fait preuve d’innovation en se tournant vers l’étranger afin de recruter de la main-d’œuvre qualifiée. Ainsi, depuis janvier dernier, trois femmes originaires du Cameroun travaillent au Quartier Mont-Saint-Hilaire comme préposées aux résidents.
L’aventure du recrutement à l’étranger
Tout a commencé en octobre 2018 lorsque l’équipe des ressources humaines du Groupe Maurice a retenu les services de Blue Clutch, une firme spécialisée qui avait pour mandat de trouver des travailleurs camerounais possédant les qualifications requises et souhaitant venir travailler au Canada.
« Comme les besoins en matière de préposés aux résidents étaient particulièrement grands, c’est à ce défi que nous avons choisi de nous attaquer en premier, explique Élisa Marcel. Nous recherchions des candidats francophones possédant de l’expérience en soins infirmiers et titulaires d’un diplôme dans leur pays. Nous avons trouvé trois femmes formidables qui étaient des infirmières auxiliaires diplômées au Cameroun. Il a donc été facile pour elles de se qualifier pour le poste de préposée aux résidents. »
Le courage de tout quitter
Confrontées à des conditions de vie difficiles dans un pays où l’emploi est une denrée rare, Nadine Flora Alinanyinyi, Ariane Stella Naka Foyet et Christelle Trague Nzanzi ont quitté le Cameroun le 1er janvier dernier pour venir occuper des postes de préposées aux bénéficiaires à la résidence Le Quartier Mont-Saint-Hilaire.
Les jeunes femmes ont soumis leur candidature en 2018 à Emploi-immigration Blue Clutch, une firme spécialisée dans la sélection de travailleurs au Cameroun. Choisies parmi plus de 4000 candidats, elles se sont soumises à un long processus avant de pouvoir venir travailler au Canada. « Mon fils avait six mois quand je me suis lancée, et il aura bientôt deux ans », se rappelle Nadine. « Il m’accompagnait partout où j’étais convoquée, et je suis certaine qu’il m’a porté chance. »
Nadine n’est pas la seule à avoir laissé un enfant derrière elle. Christelle est également mère d’un garçon de trois ans. C’est dire les sacrifices que ces femmes sont prêtes à faire pour améliorer leurs conditions de vie et celles de leurs proches. Quant à Ariane, elle affirme qu’elle n’est pas pressée de fonder une famille. Sur le ton de la rigolade, elle dit plutôt être ouverte à la possibilité de se « faire un chum québécois ».
Premières impressions
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ces Africaines se sont adaptées rapidement à notre climat, nous confie Nadine : « On nous disait qu’on ne devait pas sortir quand il y avait une tempête de neige, mais un jour de tempête j’ai dû me rendre au travail, et je me suis dit qu’en fin de compte, ce n’était pas si grave que ça ! »
Leur plus grande surprise, elles l’ont eue lorsqu’elles ont découvert l’appartement qui avait été loué, meublé et décoré pour elles. « C’était beau, c’était magnifique », se rappelle Ariane. « C’était tout équipé. On ne s’attendait pas à ça. Une cuisinière électrique, on ne connaissait pas ça. »
L’adaptation à la nourriture a été plus difficile. Pour retrouver les saveurs auxquelles elles sont habituées, les jeunes femmes se procurent des aliments frais, qu’elles cuisinent elles-mêmes.
« Et les repas qu’on sert au restaurant sont étonnants », affirme Christelle en souriant. « Tu regardes ce qu’il y a dans ton assiette, et tu te demandes si tout ça se mange. »
D’ailleurs, le premier matin, elles ont mangé du brocoli cru pour déjeuner !

Une autre façon de travailler
Les différences culturelles sont importantes, les façons de travailler aussi, explique Christelle : « La grande difficulté pour moi a été davantage d’essayer de suivre le rythme que de composer avec la charge de travail. Ici, les gens ne marchent pas, ils courent! Au Cameroun, j’avais la charge de toute une structure à moi toute seule. J’effectuais des examens de laboratoire, je réalisais des accouchements, je donnais des soins, je faisais du ménage… Tout ça toute seule, en une seule journée. La charge était beaucoup plus lourde. »
Pour Nadine, le plus grand défi repose sur les méthodes de travail : « Je dois utiliser des appareils dont je ne m’étais jamais servie auparavant. Quand on me montre comment les utiliser, j’essaie de tout retenir du premier coup, mais ce n’est pas toujours facile. »
Il faut dire qu’il n’y a pas de départements de gériatrie au Cameroun. Les personnes âgées vivent au sein de leur famille, et non dans des résidences. « Les tâches que nous devons apprendre ne sont pas compliquées, mais elles sont nombreuses et nouvelles pour nous », soutient Ariane.
Les Camerounaises n’ont que de bons mots pour les gens qui les ont accueillies. « Tous les gens sont adorables », souligne Nadine. « Nos collègues nous ont offert un soutien incroyable. On cause beaucoup avec eux, on fait des blagues, ça se passe super bien. »
La famille d’abord
Quand on leur demande ce qu’elles font lorsqu’elles sont en congé, les filles éclatent de rire. Elles nous confient qu’elles dorment le plus possible, discutent entre elles et téléphonent aux membres de leur famille, qui leur manquent beaucoup. Nadine s’ennuie de son fils, mais elle communique avec lui grâce à des appels vidéo. En outre, elle n’oublie pas les raisons pour lesquelles elle est venue travailler au Québec : « Les membres de ma famille sont très contents pour moi. Ils m’ont beaucoup soutenue tout au long de mes démarches, et je sais qu’ils comptent sur moi. »
Ariane s’ennuie également des siens, et particulièrement de son frère cadet, âgé de 17 ans. « Je viens de Yaoundé, la capitale du Cameroun, où les conditions de vie sont difficiles », explique-t-elle. « Les logements et la nourriture y sont chers, et les emplois sont rares. L’argent que je gagne me permet d’aider ma famille. » Christelle s’ennuie elle aussi de son fils, elle qui vivait avec lui chez l’un de ses oncles avant de monter dans un avion pour venir travailler au Groupe Maurice.
À la fin de l’entrevue, quand nous leur demandons si elles veulent ajouter quelque chose, Nadine prend la parole : « J’aimerais remercier le Groupe Maurice de nous compter parmi ses employées. En nous acceptant, l’entreprise nous a montré que nous comptions pour elle, et nous la remercions du fond du cœur. »
Et nous, nous les remercions pour leur courage.«
Source : Groupe Maurice Juin 2020.