Cameroun: HALTE, AUX DISCOURS HAINEUX, AU TRIBALISME, A LA XÉNOPHOBIE

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C’ÉTAIT L’OBJET DE LA CONFÉRENCE CONJOINTE MINAT/MINCOM/COMMISSION NATIONALE DU BILINGUISME ET DE LA PROMOTION DU MULTICULTURALISME MENÉE LE 17 MAI 2023 A YAOUNDÉ

Face à la presse, les Ministres Atanga Nji Paul de l’Administration territoriale, René Emmanuel Sadi de la Communication et le président de la Commission pour la Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme (CPBM), Peter Mafany Musonge.

Prenant la parole en premier, René Emmanuel Sadi a fait savoir que la lutte contre les discours haineux, les violences de tous genres, le particularisme, la stigmatisation, le tribalisme sont une priorité absolue pour le Gouvernement et le chef de l’État, son Excellence Paul Biya. Pour lui, tout est mis en œuvre pour limiter la progression de ces fléaux dans l’espace national. De ce fait, ils ne doivent aucunement s’enraciner dans notre société en plombant ses efforts pour la sauvegarde, l’unité, l’intégrité, la stabilité de la nation et l’accès à la modernité. Un appel a été ainsi lancé aux politiques, aux médias, aux activateurs des réseaux sociaux qui usent de cette pyromanie à des fins personnelles, à prendre leur responsabilité afin de circonscrire ces fléaux. Ainsi sera préservé la cohésion sociale et le vivre ensemble. C’est d’ailleurs dans le même sens que s’est appesanti le président de la CPBM, Peter Mafany Musonge.

À son tour, le MINAT Atanga Nji Paul a indexé les menaces que laissent planer les discours haineux et autres violences sur le vivre-ensemble, l’intégrité et l’unité nationale. Et de rappeler que chaque Camerounais est partout chez lui et doit vivre dans la quiétude grâce aux mécanismes mis en place pour promouvoir la paix, la cohésion nationale et la cohabitation pacifique entre toutes les composantes sociologiques du Cameroun. Et pour cela, l’apologie du tribalisme, de la xénophobie, de la stigmatisation, de la discrimination, de l’opposition systématique et de la division ne doivent s’estomper. Aussi. Il a invité les Camerounais qui usent des fléaux cités ici à de comptes personnels à remédier et éviter de dresser les Camerounais les uns les autres. Pour le MINAT, le temps de l’éducation et de la sensibilisation des masses au patriotisme, à une Culture citoyenne et tolérante passé, des sanctions dures tomberont. Beaucoup doivent saisir ce temps de latence pour prendre la bonne route et se raviser au respect de l’État de droit. Auquel cas, ils seront mis face à leurs responsabilités et connaîtront la rudesse de la loi. Ceux qui en ont fait leur fonds de commerce, n’ont qu’à bien se tenir.

Ci-après, le discours d’ouverture du ministre Rene Emmanuel Sadi, porte parole du gouvernement

Monsieur le Président de la Commission Nationale pour la  Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme ; 

Monsieur le Ministre de l’Administration Territoriale; Mesdames et Messieurs les Professionnels des Médias ; Distingués Invités ; 

Mesdames, Messieurs ; 

Je vous souhaite une cordiale bienvenue ici dans la Salle,  Auditorium du Ministère de la Communication, à l’occasion de cette  Conférence de Presse conjointe, qui va porter pour l’essentiel sur la  montée vertigineuse des discours de haine dans notre pays, et les  mesures que le Gouvernement de la République entend prendre,  pour faire face à ce grave péril qui menace la stabilité de notre  tissu social, de même que les valeurs cardinales de la République,  auxquelles nous sommes attachés. 

Je veux saluer à cette occasion, pour m’en féliciter, la présence à  cette importante rencontre avec la presse, de Monsieur Peter  MAFANY MUSONGUE, Président de la Commission Nationale pour la  Promotion du Bilinguisme et du Multiculturalisme, et celle de Monsieur Paul ATANGA NJI, Ministre de l’Administration  Territoriale, qui pourront prendre la parole tout à l’heure, afin d’apporter leurs points de vue, et des éclairages supplémentaires  sur ce sujet sensible, qui constitue en ce moment une réelle  préoccupation. 

Mesdames, Messieurs; 

Depuis plus d’une décennie, le monde entier assiste à un  déferlement sans précédent des discours de haine dans l’espace  public, amplifiés par l’extraordinaire développement de l’Internet et  des réseaux sociaux, et portant gravement atteinte aux valeurs  démocratiques, à la paix sociale, et partant à la stabilité des Etats. 

Cette situation génère des défis complexes pour nos sociétés, au  moment même où l’emprise du numérique impacte la diffusion des  informations à travers les médias, et que les dynamiques en cours  dans le monde ont fait émerger de nouveaux types de  comportements. 

La Communauté Internationale a pleinement pris conscience de  cette grave menace, au point que l’UNESCO, en sonnant l’alerte, a  jugé utile de donner une définition conceptuelle de ce phénomène. 

Pour l’UNESCO en effet, le discours de haine est considéré comme  « tout type de communication, orale ou écrite ou de comportement,  constituant une atteinte ou utilisant un langage péjoratif ou  discriminatoire, à l’égard d’une personne ou d’un groupe, en raison de leur identité, en d’autres termes, de l’appartenance religieuse,  de l’origine ethnique, de la nationalité, de la race, de la couleur de  peau, de l’ascendance, du genre ou d’autres facteurs constitutifs de  l’identité ». 

De ce point de vue, il va sans dire que la lutte contre les discours  de haine doit être perçue comme une priorité absolue pour la  sauvegarde de la démocratie et de l’Etat de droit, ainsi que la  préservation des valeurs de paix, d’unité et du vivre-ensemble. 

Raison pour laquelle, la Communauté internationale en fait  aujourd’hui une cause commune et en appelle à une mobilisation tous azimuts contre les discours de haine à l’échelle planétaire. 

Aussi sommes-nous, à maints égards, concernés. 

Alors que nous nous apprêtons à célébrer le cinquante-et-unième  anniversaire de la Fête Nationale de l’Unité, l’on assiste ces  derniers temps, à une montée en puissance de ce fléau dans  l’espace national, au point qu’il est devenu, à la fois impérieux et  urgent, de tirer la sonnette d’alarme, et d’appeler les uns et les  autres à une prise de conscience collective des conséquences  néfastes de l’enracinement de telles pratiques dans les usages  quotidiens. 

L’ampleur de ce phénomène est telle qu’il atteint tout le corps  social, qu’il s’agisse des hommes ou des femmes, des adolescents,  des jeunes ou des adultes. 

Les acteurs de la société civile, les intellectuels, les hommes  politiques, les activistes de tous ordres, les lanceurs d’alerte et  autres influenceurs comptent, il faut le relever, parmi ceux qui  alimentent et entretiennent ce climat malsain et déplorable. 

Parmi les manifestations les plus courantes des discours de haine  dans notre pays, il y a la discrimination et la stigmatisation  ethniques et sociales, le tribalisme, les revendications irrédentistes, les appels à la sédition, et parfois au génocide, les  violences à l’encontre du genre et des minorités, et j’en passe. 

Ces discours de haine s’expriment par ailleurs avec véhémence à  travers les canaux médiatiques, tant dans les médias  conventionnels (presse écrite, radio, télévision), que dans les  médias en ligne, mais surtout dans les réseaux sociaux. 

Bien évidemment, nombre de causes peuvent être à la base de tels  comportements. 

Je citerai en premier, l’environnement socio-économique où le coût  de la vie, une certaine précarité offrent un prétexte facile à certains pour vilipender les mieux nantis et crier à l’injustice  sociale. 

Il y a aussi les enjeux de la vie politique, où pour certains, la  convoitise effrénée du pouvoir a pris le pas sur le débat d’idées,  faisant fi des règles basiques du jeu démocratique, transformant  l’arène politique en un champ de bataille où priment la haine,  l’invective, la violence verbale, la mauvaise foi, l’incitation à  l’insurrection, l’intimidation, les menaces de toute nature et bien  d’autres dérives. 

L’une des illustrations à déplorer ces dernières années aura été  cette soi-disant Brigade Anti-Sardinards qui s’est faite remarquer  par de nombreux actes condamnables à l’Etranger, qui ont  gravement porté atteinte à l’image du Cameroun. 

On pourrait rappeler sans s’y attarder outre mesure : le saccage de  nos Ambassades, des manifestations inopportunes contre les  visites du CHEF DE L’ETAT à l’Etranger, l’appel au boycott des  manifestations culturelles organisées par des artistes de certaines  régions ou sympathisants de certaines formations politiques,  autant d’actes et de comportements de nature à semer la discorde  et la haine. 

Il y a en outre la montée des replis identitaires qui battent en  brèche le sacro-saint principe maintes fois proclamé et rappelé par  LE CHEF DE L’ETAT, principe qui veut que tout citoyen camerounais  se sente chez lui où qu’il soit au Cameroun.  

On voit naître malheureusement de plus en plus, divers conflits : entre autochtones et allogènes, nés en particulier de  revendications foncières ; entre agriculteurs et éleveurs, autant de  situations qui procèdent du tribalisme et de la xénophobie. En un  mot, des situations qui se traduisent par le rejet de Camerounais  par d’autres Camerounais. 

Dans le registre des faits marquants susceptibles de fragiliser  l’Etat, il convient également de mentionner le recul des valeurs  républicaines et morales qui constituent le socle des pré-requis sur  lequel reposent la solidité et la stabilité de notre pays, à savoir la  paix, l’unité et l’intégrité nationales, le respect des Institutions et  de ceux qui les incarnent. 

Aux causes que je viens de mentionner, on pourrait ajouter  l’ensemble des à priori anthropologues, des préjugés sur la base  desquels des groupes ethniques se confèrent une prééminence sur  d’autres, s’adjugeant de ce fait un droit à des privilèges particuliers au sein de la Nation. Ce qui engendre parfois de la disharmonie,  voire des heurts dans la cohabitation inter-ethnique et requiert que  nous affirmions qu’il n’y a pas d’ethnies supérieures ou inférieures au Cameroun, et que toutes les composantes ethniques sont égales  dans notre pays.

C’est dire, Mesdames, Messieurs, que l’existence et l’exacerbation  des discours de haine constituent une menace réelle à la cohésion  sociale et à la stabilité de notre pays. 

Il s’avère donc urgent et impérieux d’y apporter une réponse à la  fois vigoureuse et appropriée. 

Pour ce faire, le Gouvernement entend dans un premier temps,  sensibiliser la Nation tout entière, par des actions d’éducation et de  communication, qui s’inscriront dans le cadre d’un plan national  d’éducation et de formation à la culture citoyenne. 

Cette démarche stratégique prescrite par le CHEF DE L’ETAT, Son  Excellence PAUL BIYA, se déclinera en deux axes majeurs : un axe  médiatique, à travers la mobilisation de l’ensemble des médias  nationaux en faveur de cet objectif, et un axe hors-média mettant à  contribution l’éducation initiale à la base, des jeunes, des  adolescents et des tout-petits. 

Mais parallèlement à la sensibilisation des citoyens, le  Gouvernement, en tant que de besoin, pourra recourir à la  législation en vigueur, afin d’amener les auteurs des discours de  haine à répondre de leurs actes devant la Justice. 

C’est le lieu de rappeler en effet, qu’en dehors des instruments juridiques internationaux traitant des discours de haine dûment  ratifiés par le Cameroun, un ensemble de textes de droit  règlemente en interne, les discours de haine dans notre pays. 

Ainsi, outre la Constitution, la loi n°2019/020 du 24 décembre 2019  modifiant et complétant certaines dispositions de la loi N° 2016/007  du 12 juillet 2016 portant code pénal, dispose en son article 241  (nouveau) ce qui suit :  

Alinéa 1 : « Est puni d’un emprisonnement de six (06) jours à six  (06) mois et d’une amende de cinq mille (5000) à cinq cent mille  (500 000) francs, celui qui commet un outrage tel que défini à  l’article 152 du présent code, à l’encontre d’une race ou d’une  religion à laquelle appartiennent un ou plusieurs citoyens ou  résidents. » 

Alinéa 2 : « Si l’infraction est commise par voie de presse, de radio,  de télévision, de réseaux sociaux ou de tout autre moyen  susceptible d’atteindre le public, le maximum de l’amende prévu à  l’alinéa 1 ci-dessus est porté à vingt million (20 000 000) francs. » 

Alinéa 3 : « Les peines prévues aux alinéas 1 et 2 ci-dessus sont  doublées, lorsque l’infraction est commise dans le but de susciter  la haine ou le mépris entre les citoyens ou les résidents. » 

L’article 241-1 (nouveau) relatif à l’outrage à la tribu ou à l’ethnie  dispose quant à lui que : 

Alinéa 1 : « Est puni d’un emprisonnement d’un (01) à deux (02) ans  et d’une amende de trois cent mille (300 000) à trois millions (3 000  000) francs, celui qui, par quelque moyen que ce soit, tient des discours de haine ou procède aux incitations à la violence contre  des personnes en raison de leur appartenance tribale ou ethnique. » 

Alinéa 2 : « En cas d’admission des circonstances atténuantes, la  peine d’emprisonnement prévue à l’alinéa 1 ci-dessus ne peut être  inférieure à trois (03) mois et la peine d’amende à deux cent mille  (200 000) francs. Le sursis ne peut être accordé, sauf en cas  d’excuse atténuante de minorité. » 

Alinéa 3 : « Lorsque l’auteur du discours de haine est un  fonctionnaire au sens de l’article 131 du présent code, un  responsable de formation politique, des médias, d’une organisation  non gouvernementale ou d’une institution religieuse, les peines  prévues à l’alinéa 1 ci-dessus sont doublées et les circonstances  atténuantes ne sont pas admises. » 

Par ailleurs, la loi n°2010/012 du 21 décembre 2010 relative à la  cyber sécurité et la cybercriminalité au Cameroun dispose en son  article 77, alinéa 1, que : « est puni d’une peine d’emprisonnement  de deux (02) ans à cinq (05) ans et d’une amende de 2.000.000  (deux millions) à 5.000.000 (cinq millions) francs ou de l’une de ces  deux peines seulement, celui qui, par la voie de communications  électroniques ou d’un système d’information, commet un outrage à  l’encontre d’une race ou d’une religion. »

L’article 91, alinéa 1 de la même loi a prévu un dispositif d’entraide  judiciaire entre les Etats, en cas de violation des règles sur la  cybercriminalité. 

Dans le secteur de la communication, la loi n°2015/007 du 20 avril  2015 régissant l’activité audiovisuelle au Cameroun dispose en son  article 8, alinéa 3 que : « le contenu des programmes ne doit en  aucun cas inciter à la haine, à la violence ou la discrimination à  l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes, en raison de  leur origine, de leur sexe, de leur appartenance à une tribu, une  ethnie, une race ou une religion… » 

De son côté, la loi n°2006/018 du 29 décembre 2006 régissant la  publicité au Cameroun, en son article 57 dispose que : « est puni des peines prévues à l’article 241 du code pénal, celui qui fait  diffuser sous sa responsabilité un message publicitaire contenant  des éléments de nature à porter outrage à une race, à une ethnie ou  à une religion. » 

Mesdames, Messieurs, 

Comme vous pouvez le constater, en inscrivant de la sorte les  discours de haine dans le registre pénal de la loi, le législateur  camerounais a parfaitement pris la mesure du péril qu’ils  représentent pour la cohésion du corps social et de la Nation. 

Eu égard à la dimension que ce phénomène est en train de prendre  et au péril qu’il fait planer sur la vie nationale, le Gouvernement en appelle à la conscience collective, au patriotisme et au sens de  responsabilité de tous, pour préserver nos précieux acquis que sont  l’unité nationale, la paix et la stabilité de nos institutions. 

La diversité qui caractérise notre pays et qui lui vaut d’être  considéré comme l’Afrique en miniature, est un atout qui nous est  envié, un motif de fierté qui, en aucun cas, ne saurait devenir un  facteur de division entre les camerounais. 

Il nous faut donc bannir les discours de haine, afin que le Cameroun  qui a su, au fil du temps, s’illustrer comme un havre de paix, où  coexiste harmonieusement une pluralité d’ethnies, de cultures et  de religions le demeure dans l’intérêt de tous. 

C’est, assurément, le gage de notre réussite commune, et de notre marche en avant vers le progrès, le développement et l’émergence  que nous appelons de tous nos vœux. 

Je vous remercie pour votre aimable attention.

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